La sclérose en plaques : renvoyer au neurologue sans céder à la panique

« La sclérose en plaques n’est pas une urgence au même titre qu’un accident vasculaire cérébral », souligne le professeur Vincent van Pesch (chef de service adjoint du service de Neurologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles). « Lorsque des symptômes évocateurs de la sclérose en plaques se déclarent, le patient peut être référé auprès d’un neurologue dans les jours qui suivent. » Certains patients souhaitent par ailleurs que leur généraliste endosse un rôle dans le suivi de leur traitement, précise-t-il encore.
Une poussée de sclérose en plaques (SEP) se manifeste par la persistance pendant plus de 24 à 48 heures, de diverses manifestations neurologiques déficitaires telles que des troubles de la vue ou de l’équilibre, ou un déficit sensoriel ou moteur. Face à un premier épisode de ce type chez un jeune adulte, un possible diagnostic de SEP devra être envisagé.
« Nous sommes aujourd’hui capables de diagnostiquer rapidement cette maladie », souligne le Pr Van Pesch. « Autrefois le diagnostic était posé après au moins deux poussées. Actuellement l’accès plus aisé à l’IRM et les derniers critères diagnostiques datant de 2017 permettent de confirmer la SEP dès la première manifestation de la maladie. L’approche thérapeutique actuelle consiste à instaurer un traitement le plus rapidement possible : plus celui-ci sera précoce, plus on aura de chances d’induire une rémission rapide et d’éviter l’apparition de nouvelles poussées, de nouvelles lésions à l’IRM et enfin l’accumulation de séquelles neurologiques qui détermineront son pronostic à long terme. »
Lorsque des symptômes évocateurs de la sclérose en plaques se déclarent, le patient peut être référé auprès d’un neurologue dans les jours qui suivent.
Pour joindre les actes à la parole, Saint-Luc dispose de quatre neurologues spécialisés pour répondre aux demandes des généralistes qui suspectent une SEP chez l’un de leurs patients. « Le patient peut ainsi être vu dans la semaine, et le bilan pourra être planifié dans les quinze jours. » Ceci est conforme aux recommandations internationales émises par le « MS Brain Health Initiative », qui visent à améliorer le diagnostic et la prise en charge de la SEP mais également à promouvoir une hygiène de vie adéquate pour la santé cérébrale (https://www.msbrainhealth.org).
Vincent van Pesch insiste sur le fait qu’un timing plus serré n’est pas nécessaire. « Face à une suspicion de SEP, il ne faut cependant pas céder à la panique. Contrairement à ce qui se passe en cas d’AVC, situation aiguë où chaque minute compte, cette situation n’engage en effet pas le pronostic vital. »
Un rôle spécifique dans le suivi
Si certains patients organisent eux-mêmes le suivi biologique de leur traitement prescrit par le neurologue, en s’adressant directement au laboratoire avec communication des résultats au neurologue, force est de constater que d’autres préfèrent passer par leur généraliste : « J’indique alors par courrier à ce confrère ou cette consœur les paramètres qu’il faut surveiller, et à quelle fréquence. Cette concertation s’impose au vu du large spectre de traitements actuellement disponibles dans la SEP, dont chacun possède un profil d’effets secondaires spécifique. Mon expérience est qu’on peut mettre ainsi en place une collaboration très efficace. De plus, nous sommes à la disposition des généralistes tout au long du suivi pour leur expliquer la marche à suivre lorsqu’une anomalie se manifeste effectivement à l’analyse biologique. C’est une option dont les collègues de la première ligne font régulièrement usage. »
Au-delà du bilan biologique, d’autres paramètres peuvent nécessiter une attention particulière. Il en va notamment ainsi de la tension artérielle, qui peut être augmentée par certaines molécules. Le Pr Van Pesch voit là un rôle spécifique pour le généraliste, « qui est plus rompu au traitement de l’hypertension artérielle que nous en tant que neurologues. » Idem pour le risque accru d’infections (respiratoires ou urinaires, zona…) associé à plusieurs traitements de la SEP. Les patients concernés en sont avertis et invités, le cas échéant, à contacter leur généraliste dans les meilleurs délais.
Notons cependant que, pour certains traitements de la SEP administrés exclusivement en milieu hospitalier, le suivi biologique est réservé par la force des choses au seul neurologue.
Mon expérience est qu’on peut mettre ainsi en place une collaboration très efficace. De plus, nous sommes à la disposition des généralistes tout au long du suivi pour leur expliquer la marche à suivre lorsqu’une anomalie se manifeste effectivement à l’analyse biologique.
Pas de risque supérieur de Covid-19
Si la Covid-19 a affecté le fonctionnement hospitalier à bien des niveaux, le Pr Van Pesch certifie qu’à Saint-Luc, tous les patients SEP ont bénéficié de leurs soins en temps voulu, sans aucune forme de déprogrammation.
« Il est vrai qu’au cours de la première vague, nous nous sommes demandé si les traitements immunomodulateurs/immunosuppresseurs de la SEP avaient un impact sur le risque de contamination par le coronavirus et/ou d’une évolution plus sévère de l’infection », admet-il. « Nous avons donc dispensé des conseils à nos patients à propos d’une éventuelle mise en quarantaine ou des mesures à prendre en milieu professionnel. »
« Très vite, les différents centres SEP européens se sont organisés pour constituer des registres de patients SEP ayant contracté la Covid-19. Les conclusions sont très rassurantes : il ne faut pas postposer l’instauration du traitement. Ces médicaments n’ont aucune influence sur le risque de contamination ou d’évolution défavorable de l’infection – et c’est vrai même pour les traitements plus lourds comme les anticorps monoclonaux. Nos données à Saint-Luc en témoignent : sur une cinquantaine de patients ayant contracté la Covid-19, seuls 10 % de nos patients SEP ont été hospitalisés, et aucun n’a dû être transféré aux soins intensifs. »
« Les facteurs de risque identifiés sont les mêmes que dans la population générale : l’âge et les maladies chroniques comorbides. Les personnes devenues grabataires suite à l’évolution de leur SEP présentent également un risque accru, mais les patients jeunes ou avec un handicap limité ou inexistant peuvent être traités comme par le passé. »
Réalisation article : Roularta Healthcare